Jazz Station à Bruxelles : innovation à tous les étages
- Georges Tonla Briquet
Bienvenue au club
Prenez le train E (spécial Easy Swing), descendez à la Jazz Station, montez les escaliers et entrez dans l'un des pôles jazz les plus originaux de Bruxelles et bien au-delà.
Pour que les choses soient claires dès le départ, Jazz Station n'est pas seulement un bâtiment, mais avant tout une association qui s'engage à respecter des valeurs essentielles telles que l'accessibilité sociale et inclusive, d'autant plus qu'elle est située dans un quartier dense où vivent des personnes issues de cultures totalement différentes.
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Un peu d’histoire
Comment transformer une vieille gare désaffectée de 1885 en club de jazz ? Quand le maire lui-même est un musicien et un grand amateur de jazz, on peut dire que ça aide. Cet homme, c’est Jean Demannez. Il a eu cette idée folle et a atteint son objectif avec l’aide financière de partenaires privés et des subventions de la Commission européenne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En 2005, le 30 septembre, la Jazz Station ouvre officiellement ses portes.
Les trains ne s’y arrêtent plus mais on peut encore les entendre passer lors des soirées chaudes, fenêtres ouvertes. On dit même que certains musiciens s’inspirent du bruit des trains sur les voies et improvisent sur place !
Dès le début, le club a eu un public très fidèle qui se présente à chaque concert. Ce noyau d’aficionados, dont quelques photographes et quelques journalistes acharnés, est constamment rejoint par un troupeau d’une couleur différente en fonction de la personne qui joue. Il en résulte une communauté très kaléidoscopique. Bien évidemment, le fait que Bruxelles soit la capitale de l’Europe, avec toutes les institutions officielles, y contribue fortement.
La capacité d’accueil normale, avec des tables partout, est de 70 personnes. Lors des concerts à guichets fermés, ce qui arrive régulièrement, les tables sont rangées et seules des chaises sont installées. Il y a quelques places debout près du bar, mais une fois que la capacité maximale de 120 places est atteinte, on ne peut plus y entrer. La politique de la maison est de permettre à son public de bénéficier de conditions optimales.
Et la programmation ?
Commençons par dire qu’il y a d’autres salles si vous cherchez du jazz vraiment libre. Le dixieland à l’ancienne est également un genre que vous ne trouverez pas ici. Alors, que reste-t-il ? Presque tout, des trios de piano classiques à l’électrojazz.
Au début, la programmation était centrée sur les groupes et artistes belges, avec exceptionnellement un artiste international un lundi bleu. Mais dernièrement, depuis que Kostia Pace est devenu directeur général en 2015, la réputation du club a progressivement gagné en intérêt international grâce à un accueil toujours chaleureux et professionnel et un superbe son. L’offre de bières artisanales belges n’y est peut-être pas étrangère non plus. Quelques noms qui se sont arrêtés cette année à la Jazz Station : Billy Hart, Rudy Royston, Gilad Hekselman, Peter Bernstein, Nate Wood, Norma Winstone et Doug Weiss. N’oublions pas la nouvelle vague de jazz belge avec des noms comme Don Marsh V, Antoine Pierre, Jean-Paul Estiévenart et Guillaume Vierset. Aka Moon, Philip Catherine et David Linx sont également passés par là.
Le directeur général, Kostia Pace, explique comment ils font leurs choix. « Ce n’est pas facile et nous devons prendre des décisions difficiles car l’offre est énorme. Pour être clair, je ne suis pas le seul à faire ce travail difficile. Mon rôle principal est de donner des orientations sur les thèmes que nous voulons mettre en scène dans les mois ou la saison à venir. Nous sommes un conseil d’administration composé de quatre membres qui travaillent tous ici. Après des séances d’écoute, des choix sont faits. Il doit y avoir une majorité minimale de trois voix sur quatre. L’accent est mis sur les artistes belges et européens. Nous prenons également en compte le sexe et les générations, bien que nous ne travaillions pas avec des comparaisons mathématiques à ce niveau. La qualité et le « coup de cœur » restent la principale motivation.«
L’aspect pédagogique
Chaque saison, des cours et des conférences sont organisés sur l’histoire du jazz ou autour de thèmes centraux comme un artiste ou un groupe en particulier. Des masterclasses (souvent avec des invités internationaux), des cours de chant (pour développer la voix naturelle, le rythme, l’harmonisation instinctive, l’improvisation) et même des cours de danse (du swing au lindy hop) font également partie du programme. Ces derniers se déroulent selon le principe de la technique E.L.E.F. (Everybody Leads Everybody Follows).
Le lieu est également disponible en tant qu’espace de répétition entièrement gratuit. Ces répétitions sont ouvertes au public. Une manière intéressante d’entrer en contact avec l’aspect scénique. Et bien sûr, après les répétitions, le bar est l’endroit idéal pour poser des questions et échanger des idées. Autre atout, le club est ouvert aux résidences. Une nouveauté depuis cette saison : les jams du dimanche, qui commencent en début de soirée et deviennent de plus en plus populaires. Enfin, n’oublions pas les expositions de différents domaines artistiques tels que la photographie, le design, la peinture et même la sculpture.
Nous pouvons ajouter nos liens avec les écoles de musique et les conservatoires qui organisent ici chaque année leurs examens finaux dans les meilleures conditions professionnelles pour les élèves.
Les rencontres du vendredi organisées par Sweet & Hot, une association d’experts et de collectionneurs fondée en 1959, constituent un atout supplémentaire. Écouter des enregistrements et les commenter, c’est leur truc. Le tout se déroule dans un petit bâtiment appartenant à la Jazz Station, un peu plus loin.
Jazz Station Big Band
Parmi les nombreuses cartes blanches et résidences, la Jazz Station possède son propre big band, actuellement sous la direction de Stéphane Mercier. L’idée de départ était (et est toujours) de permettre aux membres d’écrire pour un plus grand ensemble. Dans l’esprit des clubs new-yorkais tels que le Village Vanguard, ils se produisent une fois par mois. Ils ont déjà sorti trois albums.
Réseau local
Les bureaux de la Jazz Station se trouvent au rez-de-chaussée, à côté de la salle de concert. Au premier étage, l’organisation de jazz. Les Lundis D’Hortense et le label Hypnote Records sont également installés dans le même bâtiment. Cela donne lieu à des interactions intéressantes telles que les Journées internationales du jazz, des coproductions et d’autres projets liés.
Au deuxième étage se trouve un studio professionnel pour la radio acoustique et les projets vidéo sous le nom de Jazz Lines. Ce projet a été rendu possible grâce à un crowdfunding réussi. Le podcast Wagon Jazz, animé par le journaliste Georges Tonla Briquet, est enregistré ici, mais aussi de nombreuses sessions en direct, des interviews et d’autres enregistrements – libres d’accès.
En collaboration avec le Théâtre Marni et l’Espace Senghor, Jazz Station organise le River Jazz Festival. Le nom vient d’un petit ruisseau qui coule maintenant sous terre et qui relie les trois lieux. Pendant deux semaines, une grande variété de musiciens et de groupes peuvent être entendus dans ces lieux. Le point culminant est la soirée de clôture au cours de laquelle un musicien propose un projet différent dans chacun des trois lieux. Vous pouvez vous rendre à pied d’un club à l’autre, en vélo ou en bus. Quoi qu’il en soit, une ambiance festive est garantie chaque année entre novembre et décembre.
L’avenir
Kostia Pace ne dit peut-être pas que l’avenir est si brillant qu’il faut porter des lunettes de soleil, mais il est optimiste.
« Nous avons une structure artistique solide qui est appréciée par le public, mais aussi par les institutions locales et nationales qui sont responsables des subventions. Ces dernières sont très importantes pour pouvoir payer un salaire correct aux artistes. Ces derniers temps, les temps ont été durs, comme pour tout le monde, et même en 2023, la lutte se poursuivra pour que les choses continuent comme nous le souhaitons, en raison des coûts globaux. Ce qui est très positif, c’est notre réseau croissant avec des organisations à l’étranger comme l’AJC française, Offbeat et la nouvelle Propulsion, une organisation qui couvre la France, la Suisse, l’Allemagne, le Luxembourg et la Belgique. Ensemble, nous travaillons actuellement sur des solutions concernant les points légaux, l’organisation de voyages incluant l’échange de groupes et, bien sûr, l’impact écologique de tout cela. Certains points, notamment le dernier, sont encore en cours de discussion, d’essais et d’erreurs, mais nous poursuivons tous le même objectif : faire découvrir le jazz à un large public dans les meilleures conditions pour tous. Nous y arriverons !«
Cet article est paru dans le deuxième numéro papier de Périscope Magazine Creative Spaces for Innovative Music, produit dans le cadre du projet Européen Offbeat. Retrouvez l’intégralité des articles du magazine en ligne sur notre page Europe
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