Le Périscope, ou comment faire rimer exigence et accessibilité
- Élise Ternat
Bienvenue au club
S’il est un OMNI ( Objet Musical Non Identifié ) dans le paysage musical lyonnais et au-delà, il s’agit bien du Périscope. Fortement marqué du côté du jazz et des musiques improvisées, sa programmation se frotte pourtant à des registres esthétiques bien plus larges que l’on peut clairement qualifier d’« innovants ». C’est à dire à la croisée des genres mais aussi du hors champ, toujours en recherche et à distance de la facilité ou des radars du grand public. Le format hybride du lieu pour commencer, avec ses charmants airs de club abrite en réalité deux salles de concert, un espace de création pourvu de studios de répétition et enfin des zones de vie partagée, des bureaux et une cantine. Rien que ça.
Le signe distinctif du Périscope ? Son engagement d’une part, à savoir le soutien fort aux artistes et la place donnée à la création, mais c’est sans compter avec son identité multiple et attachante qui prend le pari d’associer exigence et accessibilité.
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Petit rappel historique
Dès son origine, il y a près d’une décennie, le Périscope a eu pour vocation de répondre au besoin formulé par les artistes eux-mêmes, celui d’un espace favorisant le partage et le travail de création. Le lieu s’est ainsi forgé une identité bien à lui, à la fois spontanée, conviviale et fédératrice. Aussi, ce n’est autre que l’énergie collective des artistes, des formations et des structures culturelles qui fut le carburant de ce qui n’était alors qu’une petite salle nichée au cœur du 2e arrondissement de Lyon à quelques enjambées de la gare de Perrache et dont la proximité chaleureuse d’un bar de quartier, en a fait un espace de vie commune, invitant musicien.nes et publics à se rencontrer.
Ainsi, que l’on soit musicien.ne, aficionado.a.s des musiques jazz ou impro, curieux.se de nouvelles influences sonores ou tout simplement animé.e par l’envie de s’investir bénévolement dans l’ambiance d’un lieu de vie ou en initiant des cafés culturels, projections, ateliers, ou conférences pour penser la société, le Périscope est sans conteste un lieu incontournable, qui mixe les envies, les ambiances.Avec pas moins de 150 concerts par an et des propositions sans cesse renouvelées, c’est un peu comme au cinéma que l’on s’y rend, avec le goût de la surprise, l’envie d’être légèrement déplacé et l’assurance de choix exigeants mais pas élitistes pour autant.
Deux lieux, deux ambiances
Le Péri, pour commencer, espace historique où il est difficile, alors même que l’on vient tout juste d’entrer, de ne pas céder à l’appel de son comptoir qui donne au lieu son charme de zinc de quartier. Cette première salle intimiste et à taille humaine rend possible une grande proximité avec les musiciens et la profondeur des sonorités pour en ressentir les aspérités, les nuances et tout ce qui donne au live son caractère unique. Tout comme la terrasse, qui se prête à merveille aux discussions pré et post-concert lors de soirées tardives encore chargées de l’énergie du live. La grande scène quant à elle, constitue en journée un espace de création idéal avant de se transformer selon les besoins en un plateau propice à l’accueil de formes moins resserrées. Elle permet de par ses proportions un autre type de rencontre, tout en conservant une qualité d’écoute optimale.
Se sentir accompagné pour pouvoir créer
Côté pro maintenant, en plus de favoriser la rencontre entre artistes et public, le Périscope affirme une politique résolument collaborative qui permet l’accompagnement et le soutien en direction d’autres structures. Pour preuve, le projet Lobster fondé en 2016 et dont la toile de fond n’est autre que le développement de l’ingénierie culturelle : soit un dispositif double qui permet aux artistes et formations musicales de bénéficier d’un cycle d’ateliers de formation et de tout un réseau d’accompagnement en compétences dédiées. De la structuration administrative, à la recherche de financements européens, de l’architecture des projets à la question de l’égalité femmes/hommes, autant de domaines qui composent une véritable boîte à outils prenant forme de sessions de formation nécessaires à la professionnalisation des activités. Espace ressource, en même temps que bureau de production, Lobster compte désormais une vingtaine de structures adhérentes, inscrites dans une dynamique d’émulation commune, de partage de ressources et de réflexions, le tout au rythme du quotidien.
Œuvrer en réseau…
Nourri du collectif, le Périscope œuvre en réseau avec les autres acteurs de la scène qu’ils soient d’envergure régionale, nationale ou internationale et participe, bien au-delà de ses murs à toute une dynamique. Et c’est tout au long de l’année que se croisent nombre de projets issus de divers territoires. En outre, il favorise la mise en lien forte avec d’autres structures dont il partage les valeurs à l’instar de dispositifs tels que Footprints, Jazz connective ou encore Offbeat nés de la mise en réseau d’artistes et de formations, pour avancer massivement sur des problématiques communes à une échelle européenne.
Zoom sur Footprints
Initié en 2020, par le Périscope et Wytwornia Foundation / International Jazz Platfrom, Footprints opère le mariage heureux entre musicien-nes et producteur-rices pour prendre à bras le corps d’épineuses questions aussi bien liées aux conditions de travail qu’aux enjeux économiques ou écologiques, appliquées à la production de tournées via un dispositif de bourse dédiée. De plus, c’est tout un système de mentorat et d’accompagnement dans l’organisation d’une tournée responsable qui est rendu possible et permet de construire de nouveaux modèles de circulation européens.
Ainsi c’est une toute nouvelle méthodologie qui prend forme et active différents leviers de l’écosystème des musiques actuelles, afin de faire avancer concrètement la transition bas carbone. S’agissant dans un premier temps d’une étude à destination des secteurs du jazz et des musiques improvisées, Footprints fixe des objectifs mesurables à adopter, dans la lignée et le respect des Accords de Paris sur le changement climatique, grâce à une réflexion nationale et un regard porté sur les bonnes pratiques.
Travail communautaire et inclusion
Fortement ancré sur le quartier de Perrache, zone centrale et contrastée, à la fois cosmopolite, populaire et en transformation, le Périscope mène un travail constant auprès des écoles, des jeunes du quartier, des résidents des EPAHD et des voisins directs en associant sa ligne artistique aux notions de droits culturels et d’accessibilité.
À titre d’exemple, le Périscope travaille tous les mercredis depuis septembre 2021 avec une quinzaine d’acteurs sociaux et culturels du quartier dont le Musée de l’imprimerie, la MJC Confluence, ou encore l’association Culture pour tous afin d’accompagner des jeunes en décrochage scolaire et social. Les élèves du Collège Jean Monnet ont ainsi pu réaliser un enregistrement et un clip vidéo. À noter également la collaboration avec la scène hip-hop Bizarre ! de Vénissieux pour aider des jeunes du quartier dans leur premier pas sur scène en tant que rappeurs.
En d’autres termes, un endroit unique en son genre.
À une époque marquée par la digitalisation musicale généralisée, le Périscope figure parmi les trop rares bastions où perdurent l’importance du live. En cela il demeure le point névralgique d’une expérience partagée unique, capable aussi bien de surprendre, de séduire que d’innover. Spontanéité et rythme soutenu de la programmation, présence institutionnelle et identité proche de celle d’un café-concert, mise en réseau, maîtrise de production et engagements sociétaux forts, voici l’équation rendue possible chaque jour d’une année musicale mêlant habilement passion, proximité et exigence. Autant de valeurs mises au service d’une création musicale qui se veut visionnaire, ancrée dans le réel et qui ne cesse pourtant de battre au rythme de la rencontre entre artistes et habitants.
Cet article est paru dans le deuxième numéro papier de Périscope Magazine Creative Spaces for Innovative Music, produit dans le cadre du projet Européen Offbeat.
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