Nate Wooley, Jozef Dumoulin, Ingebrigt Håker Flaten, Teun Verbruggen
Que faut-il savoir sur ce groupe ? Peut-être qu’il a une certaine histoire. Tous les musiciens impliqués ont été, à un moment ou à un autre, membres du Bureau of Atomic Tourism. Ce sextuor transcontinental malléable a été fondé il y a plus d’une décennie par les Belges Jozef Dumoulin et Teun Verbruggen et a atteint son apogée artistique avec son album le plus récent, Eden (2019). Lors de l’édition 2014 du festival Jazz Middelheim, où les membres du groupe ont joué dans différentes constellations, il s’est également réduit à un quartet. Sa performance a été publiée en 2018 sous le nom de KaPSalon, un disque vinyle accompagné de trois gravures du peintre Wannes Lecompte, et reçoit enfin son successeur, cette fois enveloppé dans une œuvre d’art de Rinus Van de Velde.
Les titres de l’album et de ses deux longs morceaux font référence à la mythologie japonaise, qui a peut-être infusé la musique (ou l’inverse ?). En tout cas, l’introduction de Dumoulin sur « Izanagi », martelant les touches à la manière de Charlemagne Palestine, donne le ton d’un voyage en deux parties qui laisse parfois entrevoir quelque chose de grandiose et de rituel, tout en conservant une approche ouverte qui combine des éléments de la musique minimale avec le genre d’invention spontanée dont ces quatre musiciens sont devenus les maîtres. Il suffit d’écouter comment « Izanagi » se construit, avec l’étonnante palette de Wooley, qui passe de bavures sales à des appels majestueux, soutenu par le grondement incessant d’une section rythmique parfaitement réglée qui maintient l’équilibre entre tension et relâchement.
Retournez le disque et « Izanami » (nommé d’après la sœur-femme d' »Izanagi ») vous emmène dans un monde sonore différent, où règnent l’abstraction et la désintégration. C’est la contrepartie électroacoustique, un départ stimulant qui demande aux auditeurs de plonger dans un univers plein de cliquetis industriels, de grésillements indéfinissables et de manipulations électroniques sans fin, qui rappelle peut-être un peu Warped Dreamer, le projet des Belges avec les Norvégiens Stian Westerhus et Arve Henriksen. Ou peut-être aussi à l’univers unique de Seven Storey Mountain de Wooley. Mais ne vous y trompez pas, cette aventure particulière a un son qui lui est totalement propre, issu d’un puits d’idées partagé et cohérent.
La musique improvisée peut vous procurer un frisson qu’aucune autre musique ne peut vous donner, tant qu’elle s’éloigne de la version prévisible et « professionnelle ». Kami est exactement cela, un exemple audacieux, stimulant et gratifiant de musiciens qui repoussent vos limites (et les leurs !) avec cran et imagination.
au Périscope
Teun Verbruggen (batterie)
Nate Wooley (trompette)
Jozef Dumoulin (claviers)
Ingebrigt Haker
Flaten
au Périscope