D’une crise à l’autre, les évolutions des marchés immobiliers résidentiels
Regards croisés France - Etats-Unis
Depuis la grande dépression, ou crise financière globale de 2008, jusqu’à la crise pandémique du COVID, les marchés immobiliers résidentiels sont en tension: régimes inflationnistes, crise d’abordabilité, financiarisation ordinaire, mécanismes d’accumulation patrimoniale, et inégalités croissantes d’accès au logement...
Aux Etats-Unis, la crise de 2008 avait participé à transformer radicalement le secteur du logement aux Etats-Unis. Sous l’effet des saisies immobilières, la part des propriétaires occupants a nettement diminué – même s’ils restent majoritaires – et le marché locatif en expansion a été investi par de grands groupes d’investissement. En outre, la crise a révélé les mécanismes d’une financiarisation à bas bruit qui affecte jusqu’aux ménages les plus modestes. Enfin, en touchant des espaces urbains que l’on croyait prospères tels que les suburbs ou les métropoles du Sud en croissance, la crise a remodelé la géographie des inégalités aux Etats-Unis. Dans quelles mesure les remodelages des mobilités résidentielles vers les villes intermédiaires et de la généralisation du télétravail dans certaines métropoles viennent-ils faire évoluer ses grandes tendances, alors que d’autres facteurs d’inégalités apparaissent : endettement des locataires pour le remboursement des impayés, multiplication des expulsions et des saisies immobilières.
En France, les amortisseurs de l’Etat-Providence ont fait jouer différemment les marchés, creusant les inégalités d’accès à la propriété. Les prix des logements ont augmenté, depuis plus de 20 ans, plus rapidement que les revenus des acheteurs, devenant un facteur de polarisation sociale et de vulnérabilité des ménages devant l’accès au logement, et d’inégalités. Celles-ci sont influencées par les évolution de l’Etat-providence, fondé de plus en plus sur la valorisation des actifs des ménages, ceux-ci étant affectés par la volatilité du marché résidentiel, les logiques d’accumulation socialement et spatialement stratifiées, et la vulnérabilité induite pour certains ménages. En s’appuyant sur trois villes françaises (Paris, Lyon et Avignon), on analysera les effets du prix, rapporté au revenu et à l’endettement des ménages, et de la vulnérabilité des propriétaires sur la production d’inégalités à différentes échelles géographiques. Notre approche met en débat les analyses du marché du logement, de l’inégalité sociale et de la financiarisation ordinaire dans la période qui a suivi la crise financière mondiale. Les récentes évolutions des marchés, dans le cadre de la période de crise sanitaire, sont à interpréter dans ce cadre : quelques dynamiques semblent déjà émerger.
Cette discussion mobilisera les matériaux de recherches menées par F. Nussbaum dans le cadre de ses travaux sur la vacance résidentielle et les évolutions contemporaines des marchés dépréciés à Houston et Chicago, et de R. Le Goix dans le cadre du programme WIsDHoM (projet financé par l’ANR), sur les inégalités patrimoniales et les dynamiques du marché de la propriété à Paris, Lyon et Avignon.
En partenariat avec la Géothèque.